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Fondation canadienne de l’allaitement maternel

L’allaitement du bébé prématuré

Trop souvent, les problèmes d’allaitement chez les mères auraient pu être prévenus. Plusieurs routines hospitalières ne facilitent pas la réussite de l’allaitement. Quand le bébé nait avant terme, les mères ont davantage de difficultés à allaiter, ce qui est regrettable car les prématurés ont encore plus besoin du lait maternel et de l’allaitement que le bébé en santé et né à terme. La raison pour laquelle les mères ne reçoivent pas l’aide nécessaire est que les « techniques » utilisées pour sauver la vie des prématurés ont été élaborées durant les années 1960-1970 alors que le lait maternel, et encore moins l’allaitement maternel, n’étaient prioritaires dans les unités de soins intensifs pédiatriques. Malheureusement, en dépit de tout ce que nous avons appris depuis afin d’aider les mères et les bébés à allaiter, les unités de soins intensifs pédiatriques semblent, en général (il y a, bien sûr, des exceptions), résistants à changer la manière dont les bébés devraient être nourris. Pire encore, certaines techniques adoptées rendent la situation encore plus difficile.

Quelques mythes au sujet de l’allaitement des prématurés

Les prématurés doivent être en couveuses (incubateurs).

À vrai dire, les prématurés, même les plus petits, souvent s’en sortent mieux par le contact « peau à peau » avec la mère (ou le père) que dans une couveuse. De toute évidence, les prématurés (tout autant que les bébés à terme) sont plus stable quant à leur métabolisme quand ils sont peau à peau avec leur mère. Leur respiration peut être plus régulière et moins pénible, leur pression artérielle est plus normale, leur glycémie et leur température corporelle se maintiennent mieux avec les soins kangourous (soins peau à peau pour la plupart de la journée) que s’ils sont placés en couveuse. Par ailleurs, la mère produira probablement plus de lait, elle mettra son bébé au sein plus tôt et il tétera plus facilement. Un document de l’OMS examine en détails les soins kangourous. Vous le trouverez au : who.int. S’il vous plaît, faites le lire au(x) pédiatre(s) de votre bébé.

Tous les prématurés ont besoin de fortifiants.

En fait, la plupart n’en ont pas besoin. Si la mère exprime assez de lait, les bébés de 1500 grammes environ (ceux d’environ 32 semaines de gestation, mais il y a des exceptions) peuvent très bien gagner du poids avec le lait maternel seulement, parfois avec l’addition de vitamine D ou de phosphore.

Le vrai problème derrière ce besoin de fortifiants est qu’il est devenu une vérité pure, gravée dans la pierre, pour les plans d’action de plusieurs unités de soins intensifs néonatals selon lequel les prématurés doivent croître au même rythme en dehors de leur mère qu’ils l’auraient fait s’ils n’étaient pas nés si tôt. Mais manifestement, rien ne le démontre, alors qu’il est prouvé que les bébés qui grandissent plus rapidement que le prématuré qui reçoit du lait maternel pourrait avoir des problèmes plus tard durant sa vie causés par des niveaux élevés de « mauvais cholestérol », de l’hypertension artérielle, une résistance à l’insuline (pouvant être des signes précoces de diabète type 2) et de l’embonpoint. Ces études ont été conduites chez des prématurés qui ont reçu : a) du lait maternel uniquement, b) du lait maternel plus du lait maternel provenant d’une banque de lait (lactarium) si la mère ne pouvait en exprimer assez ou c) du lait maternel avec du lait industriel pour prématurés si la mère ne pouvait en exprimer assez. Les bébés qui ont reçu le lait artificiel pour prématurés ont pris plus de poids et plus rapidement mais avec un prix à payer.

Comment pouvez-vous nourrir le prématuré sans ajout de fortifiants ?

Il va sans dire que certains prématurés devront en recevoir, ceux qui sont très petits et ceux dont la mère ne peut extraire assez de lait. Toutefois, les fortifiants sont maintenant fabriqués à partir de lait humain, mais il faut reconnaître qu’ils sont difficiles à se les procurer et ils sont très chers aussi. Il n’y a donc pas de raisons de faire des fortifiants à base de lait de vache. Cependant, la plupart des prématurés ne nécessite pas de fortifiants parce que les prématurés sont pour la plupart assez gros.

La règle dans la plupart des unités de soins intensifs néonatals est que les bébés ne peuvent recevoir qu’une certaine quantité de fluides par jour, généralement limitée à environ 150-180 ml/kg/jour, parfois moins. Si le bébé a aussi une perfusion intraveineuse, ce qu’il reçoit oralement peut-être restreint encore plus. Cette restriction des liquides a du sens si le prématuré a besoin de l’aide d’un respirateur pour respirer, car trop de fluides pourraient le mener en insuffisance cardiaque et l’empêcher d’en venir à respirer sans respirateur. Alors la restriction des fluides en plus du « le bébé doit grandir au même rythme qu’il le ferait dans l’utérus » ont pour résultat ce « besoin » de fortifiants.

Alors que j’ai soigné des prématurés en Afrique, j’ai appris une façon d’éviter le besoin de fortifiants, en leur donnant une quantité de lait maternel plus élevée que celle « en vigueur » dans les unités néonatales. Il est vrai que ces bébés différaient de ceux que l’on a dans les unités de soins intensifs néonatals des pays industrialisés. Ils étaient plus gros, moins malades et n’avaient besoin que d’un peu d’oxygène pour survivre. Puisque je croyais à ce temps-là « que le bébé doit croître au même rythme que s’il était intra-utérin, j’ai augmenté les quantités de lait données au bébé au dessus de 150 à 180 ml/kg/jour, parfois même jusqu’à 300 ml/kg/jour, et les bébés allaient bien et grandissaient bien. Afin que le bébé ne reçoive pas trop de lait en même temps, on le donnait en goute à goute dans l’estomac du bébé.

Il est parfois nécessaire d’enrichir le lait maternel selon les taux sanguins du bébé.

Il est possible d’ajouter de la vitamine D, du phosphore, du calcium, même une protéine humaine (l’albumine) et du gras de lait humain (d’un banque de lait maternel ou lactarium) sans devoir utiliser les fortifiants. Si le prématuré n’a pas besoin de fortifiants, à ce moment-là, les fortifiants devraient en fait être considérés comme diluants car ils diminuent la concentration de tous les autres éléments uniques et particuliers dans le lait maternel.

Les prématurés ne peuvent téter avant 34 semaines de gestation.

Ceci n’est tout simplement pas le cas. Il a été démontré dans les unités de néonatologie propices à l’allaitement maternel, spécialement en Suède, que les prématurés peuvent prendre le sein aussi tôt que 28 semaines de gestation et plusieurs sont capables de prendre le sein et de téter à 30 semaines de gestation. En effet, certains ont même réussi à être complètement allaités au sein sans recevoir de lait maternel au biberon ou par sonde gastrique à 32 semaines de gestation, deux semaines avant que l’on laisse le bébé prématuré essayer de prendre le sein dans la plupart des unités de néonatologie en Amérique.

Bien sûr, chaque bébé diffère et certains peuvent nécessiter plus de temps s’ils ont souffert de problèmes respiratoires ou autre, mais attendre que le prématuré atteigne les 34 semaines de gestation avant de tenter de le mettre au sein est d’utiliser le modèle du bébé nourri au biberon comme référence.

Voici des articles intéressants à lire ou à suggérer à votre médecin au sujet de l’allaitement chez le prématuré :

Nyqvist K. The development of preterm infants’ breastfeeding behavior. Early Human Development. 1999;55:247-264

Nyqvist K. Early attainment of breastfeeding competence in very preterm infants. Acta Paediatrica 2008;97:776-781

Les mères des prématurés ont besoin d’utiliser des téterelles pour que leurs bébés obtienne une bonne prise du sein et reçoive du lait en bonne quantité.

Selon mon expérience en Afrique, et selon l’expérience des unités néonatales dans d’autres pays, tels la Suède, ce n’est pas le cas la plupart du temps. On trouve dans l’article de Nyqvist des cas de bébés nés entre 26 et 31 semaines de gestation où il était rarement nécessaire d’utiliser une téterelle. Pourtant, contrairement à ce qui arrive généralement dans les unités de néonatologie en Amérique du Nord, où très peu de prématurés sont allaités en quittant l’hôpital (tout au plus, ils reçoivent du lait maternel en biberon et souvent même, la mère ne met pas son bébé au sein), selon cet article de Nyqvist, presque tous les bébés étaient allaités au sein exclusivement en partant de l’hôpital.

La clé de la réussite est de prendre patiemment le temps de faire prendre le sein au bébé. Cela demande plus de temps que de donner à la mère une téterelle mais, au bout du compte, le résultat en vaut la peine. Les téterelles concourent éventuellement à la diminution de la production de lait et ceci rend difficile d’en cesser leur usage (voir le feuillet Le bébé qui ne prend pas encore le sein).

La façon de procéder pour faire prendre le sein à une prématuré est en principe semblable à celle utilisé pour un bébé à terme. Consultez le feuillet La prise du sein et les clips vidéos à www.nbci.ca. On n’y voit pas de prématurés mais les principes pour une bonne prise du sein sont les mêmes.

Les prématurés doivent apprendre à boire d’un biberon pour apprendre à téter.

Bon, quoi dire ? Ce n’est tout simplement pas le cas. Les prématurés peuvent apprendre à téter sans biberons comme la démonstration en a été faite ailleurs dans le monde. Trop souvent les mères et leurs bébés sont pressés de quitter l’hôpital avec la « suggestion » que le bébé aura son congé plut tôt s’il peut boire d’un biberon. Ceci n’aide pas la mère et son enfant. De toutes manières, il ne serait pas vrai de dire que le bébé a besoin d’un biberon pour apprendre à téter. En prodiguant les soins kangourous et en mettant le prématuré au sein avant les « magiques » 34 semaines de gestation, cette situation serait souvent évitée. De plus, comme les muscles utilisés pour boire d’un biberon ne sont pas les mêmes que ceux utilisés pour prendre le sein, boire d’un biberon « enseigne » une technique mal appropriée pour téter au sein et peut être difficile à « désapprendre ».

Les prématurés deviennent vit fatigués au sein.

On le croit parce que les bébés, pas seulement les prématurés, on tendance à s’endormir au sein quand le débit de lait est lent, surtout durant les premières semaines après la naissance. Le bébé reçoit un biberon et comme le débit est rapide, le bébé s’éveille et tète avec vigueur. La fausse conclusion ? Le bébé se fatigue au sein car cela demande plus de travail et le biberon est plus facile.

Les prématurés ont souvent du mal à prendre le sein, en partie parce que l’on enseigne inadéquatement la façon de s’y prendre. Avec une bonne prise du sein, l’utilisation de la compression du sein et, si nécessaire, l’usage d’un dispositif d’aide à l’allaitement pour donner un supplément, le débit de lait que recevra le bébé sera satisfaisant et il ne s’endormira pas au sein. En augmentant le débit, vous verrez que téter ne sera pas difficile et fatiguant pour le bébé. (Voir le clip vidéo Inserting a lactation aid pour apprécier comment un bébé « endormi » au sein commence à se réveiller quand le dispositif d’aide à l’allaitement lui donne un débit plus rapide).

La vérification du poids (la pesée du bébé avant et après la tétée) est une bonne façon de connaître la quantité de lait reçue durant une tétée.

La vérification du poids présuppose que nous connaissons la quantité que devrait recevoir un bébé allaité. Comment pouvons nous savoir puisque les règles, par exemple, qu’un bébé de tel poids et à tel âge devrait recevoir telle quantité de lait sont basées sur les bébés nourris de formule au biberon? Et comment pouvons-nous savoir combien le bébé aurait bu s’il avait eu une bonne prise du sein, et que sa mère avait utilisé la compression, particulièrement dans les cas où les tétées sont limitées à des horaires comme 10 ou 20 minutes pour ne pas « fatiguer » le prématuré)?

La meilleure façon de savoir si le bébé reçoit bien le lait du sein est de l’observer lorsqu’il tète. Voir les clips vidéos aux site www.nbci.ca.

Les prématurés ont besoin de continuer à recevoir des fortifiants après leur congé de l’hôpital.

Voilà une facette relativement nouvelle dans la dissuasion à allaiter le prématuré. Probablement quelqu’un a présenté un papier à une conférence qui démontrait que le prématuré gagne plus de poids si les fortifiants sont continués même après la sortie de l’hôpital. Mais encore plus n’est pas nécessairement mieux et allaiter est plus important qu’un surplus de gain de poids. Voir numéro 2. ci-dessus re : les fortifiants.

Les problèmes d’allaitement sont encore plus fréquents chez les prématurés et leurs mères que chez les bébés nés à terme. Mais ces problèmes sont évitables et remédiables. Demandez de l’aide pratique le plus tôt possible. Consultez aussi les feuillets d’information sur les sujets suivants :


Feuillet d’information L’allaitement du bébé prématuré, 2009©
La version originale en anglais « Breastfeeding the premature baby » par Jack Newman et Édith Kernerman 2009©